Chapitre 20

Adam me tira dans la chambre noire avant de m’y abandonner avec un laconique « attends là ».

Il ferma la porte derrière lui, me laissant au milieu de toute cette noirceur. Je frissonnai et croisai mes bras sur ma poitrine. Comment en étais-je arrivée là ? Ma bouche était sèche comme du parchemin, les battements de mon cœur rugissaient dans mes oreilles. Je me sentais petite, et faible, et terriblement, terriblement seule.

Je n’avais jamais eu aussi peur de toute ma vie.

Après ce qui me parut être une éternité, Adam revint en portant un grand carton. Je ne voulais pas savoir ce qu’il contenait. Ses joues étaient rouges. L’excitation irradiait de lui. Je me creusai la tête pour trouver un autre moyen de l’obliger à m’aider, mais aucune idée ne me vint.

Adam posa le carton fermé par terre puis se tourna vers moi. Je devais avoir l’air vraiment pathétique. Il cligna des yeux, visiblement pour essayer de contrôler son excitation.

— Tu n’es pas en danger, Morgane, me rappela-t-il. Ça va être dur, c’est sûr, mais il n’y a rien que je fasse que Lugh ne puisse soigner.

Je suppose qu’il se voulait rassurant. Pourtant, excepté une grâce sans équivoque, je ne vois pas ce qui aurait pu me rassurer.

— Il faut que tu enlèves ta chemise et ton soutien-gorge, continua-t-il en s’approchant de moi.

Il s’arrêta et haussa les sourcils.

— Allez, ma chérie. Tu sais qu’il me faut de la peau nue.

Je me serrai plus fort dans mes bras, incapable de supporter l’idée de me mettre même partiellement nue devant lui. Il pencha la tête pour m’observer avec curiosité.

— Je t’ai déjà dit que le viol ne me branchait pas, si c’est ce qui t’inquiète, dit-il. Je suis sûr que tu as des seins étonnants, mais je t’assure que je peux résister à cette tentation.

Honnêtement, je ne pensais pas que ma vertu était en danger. Il était possible qu’Adam aime autant les femmes que les hommes, mais je soupçonnais fortement qu’il était fidèle à Dominic. Ne me demandez pas pourquoi j’en étais si sûre, c’est comme ça.

Non, ma réticence se basait sur une certaine pudeur et une terreur face à ma vulnérabilité. Il n’aurait pas compris, même si mon esprit avait fonctionné suffisamment normalement pour lui expliquer ce point. J’imaginai qu’il valait mieux que je sois debout et consciente.

Il me regarda encore pendant un long moment puis commença à déboutonner sa chemise.

Cela me sortit subitement de l’engourdissement causé par le choc.

— Qu’est-ce que tu fais ? demandai-je d’une voix entrecoupée.

— Je te donne ma chemise. Tu peux la mettre devant derrière pour préserver ta pudeur.

Si je n’avais pas été effrayée au point de craindre de faire dans ma culotte, j’aurais pu apprécier le spectacle quand il fit glisser la chemise de ses épaules. Il avait un très beau torse. Une partie de moi était encore assez femme pour le remarquer de la façon la plus désinvolte qui soit.

Il me tendit sa chemise en la balançant au bout de son index. Je la pris.

— Je te laisse une minute, dit-il, en se dirigeant vers la porte tout en me parcourant du regard des pieds à la tête. Si ta pudeur peut le supporter, tu peux peut-être enlever ton pantalon pour éviter qu’il soit taché de sang.

Le salopard m’adressa un clin d’œil avant de passer la porte.

Toujours tremblante, me demandant si cela cesserait un jour, j’enlevai mon chemisier et mon soutien-gorge avant de glisser mes bras dans les manches de la chemise d’Adam. Elle était encore imprégnée de la chaleur de son corps. Cela me donna la chair de poule. Je ne m’étais pas rendu compte à quel point j’avais froid jusqu’à cet instant.

Aucune chance que je quitte mon pantalon. J’attendis ensuite en essayant de ne pas réfléchir, de ne pas anticiper, de ne pas avoir peur. Mes yeux se rivèrent sur le carton qu’Adam avait posé par terre, mais j’étais loin d’être intéressée par le fait de savoir ce qu’il contenait.

Il revint. Quand il vit que je portais encore mon pantalon, il sourit sans faire de commentaire. Je dus m’empêcher de reculer quand il s’approcha, me dominant de toute sa taille. Il se passa la langue sur les lèvres et je déglutis.

— Rappelle-toi, ma chérie, Lugh peut te soigner. C’est sans danger.

Vraiment, je ne comprenais pas ce type. Pourquoi essayait-il de me rassurer ? On aurait pu croire que me fiche une trouille de tous les diables aurait fait partie de son petit scénario. Il ne suivait pourtant pas le script du sadique psychotique que j’avais composé mentalement pour lui. Bien sûr, il n’était pas humain. Lugh m’avait expliqué qu’Adam n’était pas « un humain sadique classique », et je ne savais pas si cela me faisait me sentir mieux ou plus mal.

— Tu hésites ? demanda-t-il, sa voix de nouveau tranchante.

Je secouai la tête.

— C’est juste que je ne te comprends pas.

Il émit un son à mi-chemin entre le ricanement et le rire.

— C’est maintenant que tu t’en rends compte ?

Il me prit par le bras – une emprise beaucoup plus douce cette fois – pour me conduire vers le mur le plus éloigné. J’avais cru qu’il me menotterait au lit comme il l’avait fait avec Val. Je n’aimai pas cette association d’idées : je l’avais vu tuer Val après l’avoir torturée.

Non. Soit il avait ajouté quelque chose à la pièce depuis ma dernière visite, soit je n’avais pas été assez observatrice, car je remarquai une paire de liens en cuir noir qui pendait au mur, presque invisible sur la peinture mate noire.

Adam accrocha un petit tabouret noir du bout du pied et le tira pour le placer sous les entraves. Devant mon air intrigué, il prit le temps de m’expliquer.

— Dominic est plus grand que moi, dit-il. J’ai besoin d’être au-dessus de lui pour l’attacher confortablement.

— Je ne veux rien savoir, dis-je, fière de ce chouïa de courage.

Il émit un rire bref.

— Grimpe, s’il te plaît.

Je tremblais si fort que je serais tombée si Adam ne m’avait pas rattrapée. Montant sur le tabouret avec moi, il étendit mes bras vers les entraves. Je dus presque me mettre sur la pointe des pieds pour qu’il parvienne à me passer la menotte autour du poignet. Je fermai les yeux pendant qu’il m’attachait l’autre main. Les bracelets en cuir, doux et souples, étaient dotés de fermetures à Velcro.

Une fois les entraves en place, Adam, refermant ses mains sur les miennes, les entoura des chaînes qui fixaient les menottes au mur. Je sentais son souffle court contre mes cheveux.

— Tiens-toi bien, me chuchota-t-il à l’oreille.

Il n’y avait pas beaucoup de place sur le tabouret. Pour atteindre mes deux mains, il dut plaquer son torse contre mon dos. Sa peau me parut brûlante. Collé ainsi contre moi, je ne pus que sentir la grosseur éloquente de son entrejambe. Je tentai de m’écarter de lui, mais il n’y avait nulle part où aller.

Ce con se moqua de moi.

— Ne t’inquiète pas, dit-il. Je n’ai pas envie de te baiser.

Pour des raisons auxquelles je ne voulais pas penser, cette déclaration me piqua au vif.

— Je suppose que mes jeux avec Dominic m’ont conditionné. Normalement, je serais juste pressé, pas excité. (Il soupira et son… enthousiasme diminua.) Quand Dom pouvait se soigner, c’était les deux, mais je dois y aller doucement avec lui. Avec toi, par contre, je peux me faire plaisir.

Quand il descendit du tabouret, j’étouffai un geignement de peur et m’obligeai à penser à Brian. Lui n’avait pas de démon pour le soigner de ce que ses tortionnaires lui infligeaient. Et, sans Adam, je n’avais pas la moindre idée de la manière de sauver Brian. Il fallait que j’en passe par là, je devais le supporter malgré ma peur.

Les mains d’Adam effleurèrent mon dos. Je m’écartai en tressaillant, mais il se contenta d’écarter les bords de la chemise afin d’exposer plus de peau. Il suivit les contours de mon tatouage du bout du doigt en s’arrêtant à la ceinture de mon pantalon.

— Joli, dit-il.

Les yeux fermés, j’appuyai mon front contre le mur en priant pour avoir assez de force.

J’entendis ses pas dans mon dos, je perçus le bruit du carton contre le carton puis le craquement du papier de soie. Serrant mes paupières encore plus fort, je déglutis, la gorge sèche. Quand je l’entendis revenir vers moi, la tête me tourna un moment. Malheureusement, je ne tombai pas dans les pommes. Que se passerait-il si cela arrivait ? Est-ce que Lugh ordonnerait à Adam de ne pas me faire de mal ? Je n’en avais aucune idée. Tout ce que je savais, c’est que Lugh, en cet instant, ne semblait pas vraiment intéressé par prendre le contrôle de mon corps, ce qui pouvait signifier qu’il était content qu’Adam s’amuse.

— Celui-ci est un nouveau jouet, dit-il.

Je perçus le bruit glissant du cuir caressant le sol.

— Il mesure 2,50 m. J’ai juste assez de place pour m’en servir ici, et seulement si je fais très attention. Je l’avais commandé spécialement avant que Colère de Dieu agresse Dom. Je n’ose plus l’utiliser sur lui maintenant. Ces longs fouets sont très difficiles à contrôler.

Je ne tenais vraiment, mais vraiment pas, à entendre ça.

— Je ne te toucherai certainement pas lors des deux premiers coups, poursuivit-il. J’aimerais l’avoir bien en main avant. S’il te touche, ce sera accidentel. Je te dirai quand je le ferai volontairement.

Super.

— Fais-le et arrête de crâner, lui lançai-je, les nerfs trop à vif pour retenir cette protestation.

— Je ne crâne pas, ma chérie. Je te dis juste ce que je vais faire. Mais je comprends où tu veux en venir. Je vais m’y mettre.

Je faillis crier quand le fouet claqua la première fois. C’était si fort, si terrifiant. Je sentis un courant d’air sur la peau de mon dos mais, comme il l’avait dit, il ne me toucha pas. Mon corps était couvert de sueur et je mordis ma lèvre jusqu’au sang. Je regrettai de ne pouvoir appuyer sur un bouton « avance rapide » pour accélérer cet épisode de mon existence.

Le fouet claqua de nouveau et, encore une fois, l’air siffla sur ma peau. Adam émit un bruit de satisfaction.

— Prépare-toi, ma chérie, dit-il. Cette fois, c’est pour de vrai.

Mes mains se serrèrent convulsivement sur les chaînes. Le fouet chanta dans l’air avant de dessiner un chemin de feu sur mes omoplates. Prenant une inspiration désespérée, j’essayai de me coller au mur comme si je pouvais m’échapper en passant au travers.

Un autre craquement. Cette fois, j’eus l’impression qu’un couteau venait de lacérer la chair protégeant mes reins.

Quelque chose me chatouillait, et je compris que c’était le sang qui gouttait. Avant que j’aie le temps d’intégrer cette pensée, le fouet frappa encore une fois.

Je criai. Je ne pus m’en empêcher.

Je ne me rappelle franchement pas grand-chose ensuite. C’est un de ces souvenirs dont mon esprit essaie de me protéger du mieux possible. Je ne sais combien de fois ce fouet entailla ma chair, je sais seulement qu’elles furent nombreuses. Je criais jusqu’à m’en casser rapidement la voix, puis j’en fus réduite aux geignements éraillés.

Mes genoux cédèrent bien avant la fin de la séance et je restai suspendue par les poignets, mes épaules hurlant de mécontentement.

Quand les coups empirèrent au point que je fus tentée de prier pour mourir sur-le-champ, Adam arrêta. Je me forçai à perdre conscience, sans y parvenir.

Quelques minutes plus tard, il était de nouveau avec moi sur le tabouret, un bras passé autour de ma taille, me soutenant pendant qu’il me détachait les poignets. Au moment où j’aurais dû m’effondrer, il me prit dans ses bras et me porta jusqu’au lit noir, devant lequel il me mit debout en me soutenant par les épaules.

— Mets-toi sur le ventre, ma chérie, dit-il doucement avant de m’aider à m’allonger.

Les draps sont en soie, remarquai-je de façon tout à fait déplacée. J’enterrai mon visage dans la taie d’oreiller et m’efforçai de contenir la douleur. Le monde tournait autour de moi en un foutoir qui me donnait des vertiges et la nausée.

La voix d’Adam me semblait très lointaine.

— Ne résiste pas. (Ses doigts caressèrent mes cheveux.) Laisse-toi aller. Laisse Lugh réparer tout ça. Ce sera bientôt fini.

Sa voix était étrangement apaisante. Je sentis les contours de mon champ de vision se brouiller. Avec un soulagement indicible, je plongeai dans les ténèbres.

 

Démon intérieur
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